Source : Le Soleil/ Agence France-Presse, Ludovic Ehret, En ligne : https://www.lesoleil.com/actualite/science/la-chine-devoile-sa-future-station-spatiale-1a49f1d20d2f4a2fd47ea1901e9cb966 (Consulté le 13 novembre).

Surmonté d’un mannequin en tenue de cosmonaute et flanqué du drapeau national rouge et jaune, l’engin était l’une des principales attractions du Salon d’aéronautique et d’aérospatiale de Zhuhai (sud). La station spatiale chinoise (CSS), également appelée Tiangong, ou «Palais céleste», comprendra trois parties : un module principal long de près de 17 mètres (lieu de vie et de travail) présenté mardi, et deux modules annexes (pour les expériences scientifiques).

Trois astronautes pourront vivre en permanence à bord de l’engin, d’un poids total d’au moins 60 tonnes et équipé de panneaux solaires. Ils pourront effectuer des recherches en matière de science, de biologie ou de micropesanteur.

La CSS devrait être assemblée dans l’espace «autour de 2022». Sa durée de vie est estimée à 10 ans. Elle deviendrait alors la seule station à évoluer dans l’espace après la retraite programmée en 2024 de la station spatiale internationale (ISS) — qui associe États-Unis, Russie, Europe, Japon et Canada. Elle sera cependant nettement plus petite.

«La Chine utilisera sa station spatiale de la même manière que les partenaires de l’ISS utilisent actuellement la leur: recherche, mise au point de technologies et préparation des équipages chinois aux vols de longue durée», explique Chen Lan, analyste pour GoTaikonauts.com, un site internet spécialisé dans le programme spatial chinois.

«Extrêmement précieux»

La Chine a par ailleurs annoncé en mai avec le Bureau des affaires spatiales de l’ONU que sa station serait ouverte « à tous les pays » afin d’y mener des expériences scientifiques. Instituts, universités et entreprises publiques et privées ont été invités à déposer des projets. Pékin en a reçu 40 de 27 pays et régions, des propositions qui doivent encore faire l’objet d’une sélection, a indiqué en octobre la télévision d’État CCTV.

«Au fil du temps, je suis sûr que la Chine va nouer des partenariats fructueux», prédit Bill Ostrove, spécialiste des questions spatiales chez Forecast International, un cabinet de conseil américain. Beaucoup de pays et un nombre croissant d’entreprises privées et d’universités ont des programmes spatiaux, mais pas d’argent pour construire leur propre station spatiale. La possibilité pour eux (grâce à la Chine) d’envoyer des charges utiles sur une plateforme de vol habité et d’y mener des expériences est quelque chose d’extrêmement précieux.»

L’agence spatiale européenne (ESA) envoie déjà des astronautes suivre des formations en Chine, avec l’objectif qu’ils volent un jour à bord de la station chinoise. Malgré la rivalité entre Pékin et Washington, engagés dans une guerre commerciale, un spationaute américain pourrait même un jour travailler à bord de la CSS.

«L’agence spatiale chinoise et l’ONU pourraient tout à fait l’imaginer. Mais pas sûr que le Congrès américain soit du même avis», note M. Chen.

Guerre froide

La Chine investit des milliards dans son programme spatial, piloté par l’armée. Elle place des satellites en orbite, pour son compte (observation de la Terre, télécommunications, système de géolocalisation Beidou) ou pour d’autres pays. Elle espère également envoyer un robot sur Mars et des humains sur la Lune.

Le géant asiatique deviendra «une des grandes puissances de l’espace», mais la Russie, le Japon et l’Inde continueront à jouer «un rôle majeur» et «les États-Unis restent la puissance spatiale dominante» à l’heure actuelle, estime Bill Ostrove.

«Les entreprises privées occupent par ailleurs une place croissante sur le marché de l’espace. Il sera donc difficile pour un ou deux pays ou compagnies de dominer le secteur de la même manière que les États-Unis l’ont fait durant la Guerre froide», juge-t-il.

«Dominer l’espace n’a jamais été un objectif pour la Chine, assure Chen Lan. Mais les enjeux commerciaux deviennent de plus en plus importants dans l’espace, et elle perçoit l’innovation et la science comme d’importants moteurs économiques.»